Réforme du système de santé universitaire : une bonne réforme ?

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Depuis le 1er janvier 2023, les Service de Santé Universitaires (SSU) ont changé de nom suite à la parution d’un nouveau décret. On les appelle désormais les Services de Santé Étudiante (SSE). Plusieurs évolutions viennent avec ce changement de nom alors que l’ensemble de la communauté universitaire s’accorde à dire que leurs missions de prévention et de promotion de la santé n’étaient pas remplies.

Budget et missions supplémentaires : quels changements pour les étudiant·e·s ?

Un des marqueurs fort de cette réforme c’est l’élargissement à l’ensemble des étudiants de l’accès au SSE, accompagné d’un budget supplémentaire de 8,2 millions d’euros. En effet, les étudiant·e·s universitaires étaient les seul·e·s ayant accès de droit au SSU de leur université. Les écoles devaient être conventionnées avec l’université, ce qui était bien souvent le cas, pour que ses étudiant·e·s puissent accéder au SSU. Désormais ce sera automatique pour les étudiant·e·s d’un même territoire.

Par ailleurs, les écoles avaient déjà une obligation de mettre en place une infirmerie. Les SSU n’étant pas toujours proches des écoles de l’enseignement supérieur, en réalité il était et est toujours plus simple d’accéder à l’infirmerie de l’école qu’au SSU. L’extension de l’accès aux SSU est donc un point positif, surtout pour accéder à des spécialistes gratuitement, mais à relativiser car l’éloignement géographique des écoles est un frein majeur à sa réalisation concrète. De plus, celà ne change presque rien à la situation sur les antennes universitaires et les écoles des mêmes villes qui sont très éloignées des SSU et ont un service discontinu.

Concernant les nouvelles missions des SSE, le gouvernement met fortement en avant la prise en compte de la santé sous tous ses aspects : physique, mental et social. C’est sur le papier une très bonne chose. La définition de la santé par l’OMS est reprise et c’est une des valeurs de REVES Jeunes. Toutefois, celà ne changera pas grand-chose dans les faits. Au moins pas dans l’immédiat. Les SSU mettaient déjà en place des mesures concernant la santé physique et mentale. Le manque de financement est le principal frein au recrutement de professionnel·le·s de santé et la dimension sociale est prise en charge principalement par les CROUS notamment pour toutes les questions financières, de logement et d’alimentation. Le lien CROUS et SSU reste variable suivant les CROUS et les établissements et là encore la barrière principale est l’argent mis sur la table pour aider les étudiant·e·s à vivre dignement.

La visite médicale obligatoire est supprimée. Cette visite avait pour objectif de revenir sur la santé dans son entièreté, incluant les dimensions sociale, physique et mentale, au cours du cursus. Logiquement, elle était prévue pendant la licence mais pas toujours effectuée. Le décret la supprime pour la remplacer par une visite obligatoire uniquement pour certains publics cibles : 

  • les étudiant·e·s en situation de handicap, 
  • ayant des risques particuliers du fait de leur cursus,
  • les étudiant·e·s étranger·ère·s,
  • les étudiant·e·s ayant un risque de rupture dans leur parcours de soin.

Les textes précisent que les SSE pourront cibler d’autres publics prioritaires en plus, par exemple ceux n’ayant pas de médecins traitant. Mais la réduction drastique du périmètre des étudiant·e·s concerné·e·s par cette visite laisse penser à un abandon pour raison budgétaire que d’une réelle volonté politique de cibler les étudiant·e·s les plus en difficulté. 

De nouvelles thématiques de santé sont ajoutées à la liste des missions des SSE. Le nouveau décret inscrit dans le code de l’éducation que les SSE prennent en charge la santé mentale, sexuelle, les addictions et de l’accompagnement nutritionnel des étudiant·e·s. 

Dans les faits, les SSU recrutaient déjà des psychologues, en nombre insuffisant par manque de moyens. La santé sexuelle était déjà abordée de manière légère avec la mise à disposition gratuite de préservatifs et la distribution sur demande de pilules du lendemain. Et certains SSU avaient également un·e nutritionniste voir plus mais celà relevait d’initiatives locales. Si ces missions sont ajoutées, rien ne permet de dire qu’elles seront respectées au-delà de ce qui est déjà fait alors même que les initiatives des SSU étaient insuffisantes au vu du nombre d’étudiant·e·s.

Les SSE amélioreront-ils l’accès aux soins des étudiant·e·s et la prévention en intégrant les 3 dimensions de la santé ?

Rien n’est moins sûr. Sur les 8,2 millions d’euros de budget supplémentaire accordé, 1,8 millions sont fléchés sur les postes de directions, souvent vacants. Le budget restant pourra aller sur des postes ou des projets et actions de prévention par exemple. L’un des problèmes soulignés par les SSU pour recruter des médecins généralistes comme spécialistes est le manque d’attractivité du poste au sein d’un SSU car les salaires sont très bas comparés aux médecins libéraux par exemple. L’enveloppe restante est donc maigre pour accompagner les SSE dans la prise en charge des étudiant·e·s de l’ensemble de leur territoire et en développant pleinement les nouvelles thématiques de santé ciblées. On notera que pour la dimension sociale, le texte prévoit que le CROUS puisse être associé à la nouvelle instance qui dirigera le SSE pour travailler ce sujet, sans poser de cadre ni de perspectives. On retiendra que les moyens pour réaliser de manière effective les missions déjà existantes ne sont toujours pas là. 

Une politique de santé pensée avec les étudiant·e·s, mais pas par les étudiant·e·s

Cette réforme instaure aussi des conseils du SSE incluant des élu·e·s étudiant·e·s des établissements d’enseignement supérieur concernés par le SSE. On pourrait y voir une petite avancée car il s’agit d’inclure les étudiant·e·s dans la prise de décision politique les concernant bien que ce pouvoir de décision soit partagé entre les étudiant·e·s et les établissements.

Mais celà montre surtout que les politiques de santé pour les étudiant·e·s ne peuvent être faites sans eux·elles pour que celles-ci soient pertinentes et efficaces. Depuis 2018, suite à la suppression du Régime Étudiant de Sécurité sociale géré par les mutuelles étudiantes, celles-ci ont été mises de force en concurrence avec des assurances privées et ont été éloignées des campus ce qui a amoindri la prévention. La CVEC, créée au même moment et qui devait en partie mieux financer les SSU et les actions de prévention, n’a pas eu d’effet. Les politiques mises en place sans les étudiant·e·s n’ont pas été aussi efficaces que celles portées uniquement par ceux·lles-ci et des mesures ont dû être prises dans l’urgence pendant la crise sanitaire comme la création des relais santé dans les universités.

De plus, cette nouvelle instance devra décliner localement la politique décidée nationalement. Difficile donc de voir comment les étudiant·e·s pourront prendre des décisions au sein des SSE. Quant à lui, le mutualisme étudiant arrive à innover par exemple avec le remboursement des protections périodiques par La Mutuelle Des Etudiants avec toutes les autres mutuelles et bien avant que le ministère fasse installer des distributeurs de protections périodiques gratuites dans les cité U et sur les campus (quand ceux-ci ne sont pas vides) ou encore avec notre dispositif Ta Permanence Santé qui organisait déjà du soutien psy avant que le gouvernement ne mette en place le chèque psy étudiant.

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